La nouvelle vie de Karabatic

Installé dans les entrailles du Palau Blaugrana, devant une longue frise qui raconte l’histoire du Barça, Nikola Karabatic se souvient. Il y a quelques mois, encore capitaine de Montpellier, il a sorti d’une armoire cinq maillots barcelonais récupérés au fil de ses rencontres européennes. Devant une glace, il les a enfilés, l’un après l’autre. "J’ai trouvé que ces couleurs m’allaient bien au teint."
Il était dit que son destin le mènerait un jour chez le plus titré des clubs européens. À 16 ans, il s’était débrouillé pour voir à la télé sa première finale de Ligue des champions, Kiel-Barcelone en 2000, ses deux futurs clubs. Il connaît par coeur l’histoire du Barça, énumère sans s’arrêter les noms de ses joueurs légendaires. "Masip, Xepkin, Cavar… J’ai pensé à eux chaque fois que le Barça m’a contacté." Le lien n’a jamais été rompu depuis la première fois, en 2004. L’hiver dernier, lorsque l’affaire des paris a rendu inévitable sa rupture avec Montpellier, les dirigeants catalans ont repris langue discrètement. Un accord a été trouvé dès début 2013, tandis que Karabatic terminait la saison aux côtés de son frère Luka à Aix-en- Provence.

Géraldine l’a suivi

Dans le vestiaire flambant neuf du Barça, il a vite trouvé sa place : à sa droite, le compatriote et ami Cédric Sorhaindo ; à sa gauche, l’icône Raúl Entrerríos, une décennie au club. L’adoption a été immédiate. "Je discute souvent avec son coach, Xavi Pascual. Il est conquis, raconte Jérôme Fernandez, joueur du Barça entre 2002 et 2008. Niko n’est pas arrivé en clamant : “Je suis le meilleur.”"
La rivalité entre handballeurs français et espagnols n’a pas freiné son intégration. Ces jours-ci, sa photo dénudée tirée du calendrier des Dieux du stade a fait le tour du vestiaire via WhatsApp, une messagerie instantanée dont les joueurs sont friands. Karabatic ne s’est pas laissé faire, rappelant avec un malin plaisir l’issue du quart de finale des Jeux, remporté à la dernière seconde par la France aux dépens des Espagnols. "Ça va, n’en parlons plus", se sont inclinés les plus chambreurs.
Après le climat rigoureux de Kiel, la banlieue de Montpellier et la résidence meublée d’Aix, Karabatic a choisi, à 29 ans, de poser ses sacs en centre-ville, près du Passeig de Gràcia, connu pour ses boutiques de luxe. "Une vie urbaine, ça fait du bien", sourit le nouveau locataire d’un 200 m2 au design moderne. Depuis juillet, les trois chambres n’en finissent plus d’accueillir les visiteurs : sa mère, les amis. "C’est bizarre, minaude-t?il, il y avait moins de passage lorsque je vivais au bord de la mer Baltique!"
"Barcelone, c’est l’endroit idéal pour prendre de nouvelles responsabilités dans la vie. J’espère pour Niko qu’il sera bientôt père de famille", glisse Fernandez. Nikola s’est installé avec sa compagne, Géraldine, qui a quitté son emploi dans un palace parisien pour le suivre en Catalogne. Largement citée pour son rôle présumé dans l’affaire des paris, la jeune femme apprécie sa nouvelle vie : "Le capitaine, Victor Tomás, est l’un de nos voisins. Il nous donne des tuyaux pour tout : un médecin, une expo. On a même trouvé un cinéma près de chez nous qui passe les films en VO soustitrée en espagnol. On apprend en se faisant plaisir."

"Sans le Barça, je serais peut-être allé au PSG?"

"Vous êtes basketteur, non?", a demandé un chauffeur de taxi à Karabatic. Ce sont surtout les touristes français qui le reconnaissant lorsqu’il flâne au parc Güell, à la Sagrada Família ou dans le parc d’attractions qui domine la colline de Tibidabo, où il s’est déniché un itinéraire pour son footing matinal. Il était aussi au Camp Nou pour le premier match de Liga des footballeurs contre Levante en août. "On l’a arrêté tous les deux mètres", se souvient Géraldine. Le dimanche, le couple glamour préfère la plage de Castelldefels, cité balnéaire au sud de Barcelone, où vit Sorhaindo. Nikola y a passé sa première semaine sur place, en juillet, avec Luka et des amis. Bientôt, il ira déjeuner à Txalaka, un restaurant basque recommandé par Fernandez.
Frappé de plein fouet par la crise économique, le championnat espagnol a perdu de son éclat. Plusieurs vedettes ont rejoint l’Allemagne ou la France. Le Barça n’a plus de concurrents. Le véritable objectif est donc la Ligue des champions, perdue en finale la saison dernière. "On est deux par poste, mais le coach me donne beaucoup de responsabilités en défense comme en attaque", apprécie Karabatic.
Chez lui, devant beIN Sport, le numéro 33 du Barça n’a rien manqué du triste début de saison du PSG, qui accueillera les Catalans dimanche prochain pour une finale européenne avant l’heure. "Leurs débuts sont compliqués et ils ont eu souvent de la chance, juge-til. Leur jeu ne correspond pas encore à l’équipe sur le papier. Ils ont besoin d’un déclic, peut-être contre nous." Cette affiche, Karabatic aurait pu la jouer sous le maillot parisien. "Oui, révèle-t?il, il y a eu une possibilité. J’ai toujours dit que leur projet était très intéressant. Sans le Barça, j’y serais peut-être allé."
 

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